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Victor Coutard s'est formé à différentes techniques d'agriculture dans des fermes en France, en Italie, et au Japon. Tout son travail d'écriture s'articule autour de l'idée que "Faire, c'est penser", idée défendue par le sociologue américain Richard Sennett dans son livre "Ce que sait la main". Pour Victor, l’écologie ne doit pas seulement être politique, et manger pas seulement un acte militant, mais avant tout un acte de plaisir.
Ton plus lointain souvenir culinaire ou gustatif frappant ?
Les champignons ! En Touraine, il y a la forêt près de ma maison familiale et depuis tout petit j’ai eu l’expérience d’aller chercher ma nourriture ; j’ai toujours su faire la différence entre un bon et un mauvais champignon. Je me souviens du premier coin à Girolles que j'ai découvert et gardé secret, c’était très précieux.
Une épiphanie culinaire ?
Je me suis converti au vin naturel, à l’Auberge de Chassignole, il n’y a pas si longtemps. Le sommelier belge m’a fait goûter les vins de Frédéric Gounan du Domaine de l’Arbre Blanc, un vin rouge d'Auvergne : je n’avais jamais rien bu d’aussi bon de ma vie. Ce vin a changé toute ma perception de la nourriture. Je me suis rendu compte qu’il y avait des gens dont je n’avais jamais entendu parler qui faisaient des choses incroyablement délicieuses, et que j’aurais pu rater par préjugés.
C’est quoi pour toi manger ?
C'est une recherche existentielle de plaisir. Tu manges pour survivre et tu survis mieux en étant heureux. Et cuisiner ? Je m’intéresse plus aux ingrédients, aux matières premières, qu’à la cuisine en elle-même. J’aime manger les ingrédients dans leur plus simple appareil : des huîtres sans citron, des girolles à peine dorées, du fromage avec du bon pain. J’aime les plats avec deux ou trois ingrédients, qui demandent plus un art de l’assemblage que du mélange.
Qu’est ce qu'il ne faut pas perdre de vue concernant l’alimentation aujourd’hui, selon toi ?
Selon moi, on ne parle pas assez de la diversité : diversité des espèces animales et des semences, diversité des parcours et des pratiques, diversité des influences. De nos jours, on invoque “le local” comme un label gastronomique. Mais qu’est-ce que “local” veut dire ? Sur quels critères le définir ? Il ne faudrait pas que l’obsession pour les origines des produits devienne contre-productive, que l'on se contente d'une origine géographique pour choisir nos aliments.
Un chef qui t’inspire ?
Florent Ciccoli du Café du Coin à Paris. Pour un menu à 20 euros (entrée plat dessert) c’est un niveau de cuisine incroyable. On a beaucoup de chance de pouvoir profiter de ce genre d'expérience culinaire.
Un restaurant ?
L’Auberge de Chassignole. Peter Taylor, le gérant, a créé une philosophie de lieu conviviale qui fait que c’est toujours bien, quelque soit les chefs en résidence. Une cuisine simple, très franche, que j’adore.
Un lieu pour les courses ?
Le marché de Bastille le dimanche matin. Avec Louis, l’ostréiculteur de Thalassa Tradition qui est un grand défenseur de l’huître sauvage, très chaleureux, dont les huîtres sont les meilleures de France. Et Hélène de la Ferme du moulin de l’Abbaye qui vend des poulets et des légumes de saison. Hélène a une passion pour les herbes aromatiques et en propose beaucoup de différentes, notamment, en ce moment, un cerfeuil fabuleux.
Un.e producteur.ice ?
Yves Elie et Chantal Laurent. Dans les Cévennes. Yves-Elie a récemment publié le livre La Vallée de l’Abeille Noire chez Actes Sud. Il y parle de la seule abeille naturellement mellifère en Europe et de sa conception de l'apiculture, ça se lit comme un roman. Il fait un miel exceptionnel qui respecte la biologie des abeilles et un hydromel sec, super joyeux et quasiment aphrodisiaque (on le trouve sur le site de Culinaries et chez Le Cave à Goncourt).
Une région gastronomique préférée ?
La Touraine, car c’est chez moi et que la vie y est plus douce qu'ailleurs. On y trouve de bonnes asperges, de bons fromages, de bons champignons, et de bons vins : que demander de mieux ?
Une astuce de cuisine ?
Pour cuisiner le poisson cru, un carpaccio ou en marinade, il vaut mieux le préparer et le servir à température ambiante. Au frigo, le froid tue les saveurs.
Une astuce zéro déchet ?
J’aime bien récupérer les pluches du fenouil pour les utiliser comme herbes aromatiques, et les branches pour un bouillon clair.
Une recette ?
La poule au pot en salade. La poule au pot se prépare grosso modo comme un pot-au-feu. J'adore manger le poulet froid avec une vinaigrette relevée et herbacée. Ingrédients : 1 poulet, 6 carottes, 4 oignons rouges, un céleri branche, des cornichons, un beau pain de campagne, bouquet garni, ail, gingembre, clous de girofle. De l’aneth à gogo et de quoi faire une vinaigrette. Plongez votre poulet entier dans un grand volume d’eau. Laissez cuire au moins 1 h 30 avant d’ajouter des carottes, les branches du céleri, deux ou trois oignons piqués de clous de girofles, de l’ail et du gingembre. Laissez mijoter jusqu'à ce que la chair du poulet se détache facilement de la carcasse. Égouttez le poulet et les légumes (mais surtout filtrez et conservez le bouillon pour préparer plus tard de délicieuses pâtes). Déchiquetez la chair du poulet en gros morceaux. Jetez les branches de céleri, les oignons et le gingembre. Coupez le cœur du céleri frais à la mandoline, détaillez une dizaine de cornichons en rondelles, ainsi qu'une échalote ou un petit oignon rouge en fines lamelles. Servez froid, sur une tranche de pain de campagne, avec une vinaigrette pleine d'herbes et de l’aneth fraîche. Vous verrez c'est délicieux.
Une bouteille pour l’accompagner ?
L’ivresse des Profondeurs, Val de Combrès, un vigneron de Maubec. Très léger, très facile à boire, sur le fruit, très vif, jeune, très gai. Un grand plaisir.
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