Découvrir aussi...
Fondateur d’Ankhor epices, une jeune marque d'épices qui source la totalité de ses produits exclusivement sur le territoire français, Samir s'est reconverti dans le sourcing et la distribution d'épices il y a deux ans pour donner du sens aux valeurs écologiques et éthiques qui l'animaient. Lors de sa première année d’activité, Samir est parti en Inde pour s’approvisionner en épices issues de l’agriculture biologique. Très vite, il réalise que les nombreux allers-retours en avion ne sont pas compatibles avec sa volonté de mettre en place une économie vertueuse et plus respectueuse de l’environnement. Samir repense son projet initial et décide alors de travailler uniquement avec des producteurs et des cueilleurs d’épices installés sur le territoire français. On est allé lui poser quelques questions sur son rapport à la nourriture.
Bonjour Samir ! Quel est l’expérience gustative qui t’a le plus marqué ?
Sans doutes les croissants de cette boulangerie bruxelloise tenue par un couple de français – un Breton et une Normande : je me souviens encore parfaitement de leur parfum, de leur texture, de leur bon goût de beurre. Ils étaient tellement bons, rustiques et… totalement différents de ce que j’avais pu goûter.
Est-ce que tu as déjà eu une épiphanie culinaire ?
Oui ! Les crêpes marocaines qu’on prépare en famille pour la fin du ramadan. Ces dernières sont frites puis trempées dans du miel avant d’être parfumées avec de l’anis…J’adore l’accord du miel et de l’anis – c’est deux saveurs qui vont parfaitement bien ensemble.
Manger : ça signifie quoi pour toi ?
Je préfère me nourrir que manger. En se nourrissant, on s’élève, on découvre, on tisse des liens avec la culture et l’histoire d’un lieu ; on respecte les producteurs et on respecte aussi le sacrifice des animaux qui sont éventuellement morts pour nous alimenter. Quand on se « nourrit », on se raconte une histoire, on savoure l’instant présent. Quand on « mange », cela relève plus du besoin…
Et pour ce qui est de cuisiner ?
Cuisiner, c’est reproduire des gestes qu’on a vu ; c’est investir un lieu et son passé. Il y a un côté très spirituel dans l’acte de cuisiner…Et puis, bien sûr, cuisiner, c’est partager : c’est une offrande, une façon non verbale de communiquer avec l’autre.
Qu’est-ce qu'il ne faut pas perdre de vue concernant l’alimentation aujourd’hui, selon toi ?
Il faut être conscients du fait que consommer, c’est un acte politique et donc, un vrai pouvoir. Le consommateur a le droit de poser des questions et obtenir des réponses afin d’orienter ses choix vers une alimentation plus consciente et responsable.
Est-ce qu’il y a un chef ou une cheffe qui t’inspire particulièrement ?
Question difficile, il y en a tellement ! Cette année j’ai été beaucoup marqué par la rencontre avec Anne Sophie Pic, pour sa sensibilité, sa profondeur. Son approche de la cuisine et des produits est quasi-spirituelle. Malgré ses étoiles, elle sait rester humble, jusque dans le choix des produits qu’elle travaille. Sa curiosité et son naturel m’ont vraiment surpris.
Si tu devais citer un restaurant ?
Fief (Fait Ici en France), à Paris pour sa démarche locale et Saveurs de Poisson, à Tanger, parce que c’est un petit boui-boui extrêmement rustique mais qui sert des poissons issus de la pêche du jour d’une qualité extraordinaire – j’ai encore le souvenir d’un Saint-pierre au cumin fabuleux…
Un petit commerce de quartier pour aller faire ses courses ?
La Boulangerie Du Square, 50 rue Hermel, dans le 18ème , à Paris. C’est une toute petite boulangerie avec une variété de produits assez limitée mais avec un sourcing extraordinaire. Ils n’utilisent que des produits locaux et de saison ; ils sont très attentifs aux farines et aux matières premières qu’ils utilisent. Leurs gâteaux sont très peu sucrés… C’est une vraie pépite !
Un producteur ou une productrice que tu voudrais mettre en avant ?
C’est difficile de faire un choix parmi tous les producteurs avec lesquels je travaille : je les aime tous ! Je vais en mentionner un avec qui j’aimerais beaucoup travailler : Mathieu Martinet. C’est l’un des rares producteurs de noisettes français, il est basé dans le Sud-Ouest. Ses noisettes sont succulentes et j’aime aussi la façon dont il partage sa vie de producteur sur les réseaux sociaux : on en apprend beaucoup sur les noisetiers et leurs différents cycles au cours de l’année.
Est-ce qu’il y a un terroir qui te parle plus qu’un autre ?
Le Pays-Basque, pour sa diversité : le fait d’avoir la montagne et la mer apporte une grande richesse dans l’assiette et donne naissance à une cuisine hyper joyeuse et généreuse.
Est-ce que tu as une astuce à donner pour bien choisir ses épices ?
Il faut les choisir les plus entières possibles, dans leur version brut. La date de récolte a aussi son importance : c’est une donnée qui est rarement affichée dans la grande distribution, d’où l’enjeu de se tourner vers des petites marques comme Ankhor Epices ! Idéalement, il faut aussi éviter les emballages transparents, car les épices sont sensibles à la lumière.
Une astuce de cuisine ?
Faire dîner vos amis le plus tard possible : ils auront très faim et tout leur paraîtra meilleur !
Une astuce zéro déchet ?
J’adore le vert des poireaux : à faire en soupe ou simplement avec du jus de citron et du vinaigre. J’aime aussi préparer un pesto avec les fanes des carottes.
Une recette fétiche ?
Des pâtes, avec une sauce tomate toute simple parfumée à l’anis. Simple mais pas banal.
Préparation : 5-10 minutes / Cuisson : environ 25 minutes
Ingrédients (4 personnes)
700 g de tomates fraîches ( si ce n’est pas la saison, des tomates entières en conserve)
1 oignon ciselé
2 gousses d’ail
2 cc d’anis vert moulu
Huile d’olive
Sel et poivre du moulin
Éplucher les tomates, les couper en petits morceaux.
Faire revenir l’oignon et l’ail dans un filet d’huile d’olive.
Rajouter l’anis moulu et les tomates.
Laisser cuire 25-30 min à découvert dans une casserole.
Mixer si vous préférez une version plus lisse.
Napper des spaghettis avec cette sauce gourmande.
Une bouteille pour l’accompagner ?
Un rouge avec du caractère…un Languedoc.
Comment fais-tu pour trouver tes producteurs ?
Il y a plusieurs chemins : parfois je découvre un profil intéressant en cherchant une épice particulière, parfois c’est un producteur/cueilleur/client avec qui je travaille déjà qui attire mon attention sur un producteur… La présence de producteurs et cueilleurs d’épices en France est quelque chose d’assez récent.
Quelle est ta dernière nouveauté ?
Des grains d’aneth, avec des notes fraîches et gourmandes tout à fait ravissantes.
Entretien par Ilaria Brunetti
Découvrir aussi...