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Fine Gueule

Le Pinceau

Gabrielle Stiquel et Pierre Jacquemet, les deux propriétaires du bistrot le Pinceau à Paris, ont développé un goût pour la cuisine dès le plus jeune âge. Pierre, chef du Pinceau, affirme vouloir ouvrir un bistrot à Paris à l’âge de douze ans. Chez lui, la table est très importante, sa mère cuisine tous les jours, son père le week-end. Pierre aime tout, goûte tout, essaie de comprendre ce qu’il a dans l’assiette, cuisine. De fil en aiguille, il fait une école hôtelière, des stages chez Guy Savoy, Senderens, l’ouverture du Perchoir avec Benoît Dumas, puis le Bachaumont, comme sous-chef, avant d’ouvrir avec Gabrielle leur propre bistrot en 2019. Gabrielle, sommelière du Pinceau, demande pour ses dix ans à manger dans un grand restaurant plutôt qu’un cadeau. Cela devient un rituel annuel avec ses parents, très épicuriens, qui aiment les belles tables. A l’âge de quatorze ans lors d’un stage de dégustation elle a une révélation quand Franck Thomas, à l’époque élu meilleur sommelier d'Europe, décrit dans un verre de vin, ce qui lui semble un roman, une page d’histoire. Elle décide de devenir commissaire priseur spécialisée dans les grands vins, étudie l’histoire de l’art et le droit, avant de faire une année de sommellerie au lycée Albert De Mun où lors d’un stage en restaurant, elle se découvre une passion pour la sommellerie. Le ballet des assiettes lui plait également beaucoup, malgré le rythme très prenant, et elle se tourne alors vers la restauration.


Racontez-moi comment s’est décidée l’ouverture de votre restaurant ?


Pierre : Début 2018 je commençais à en avoir marre d’être sous-chef dans l’hôtel Bachaumont, de gérer dix-huit personnes, tous les jours, toute l’année, toutes les heures, avec le service en chambre etc. Je faisais moins mon métier de cuisinier que de gérer une équipe. On a ouvert le Pinceau avec Gaby et un ami cuisinier, avec qui on avait toujours voulu monter un petit bistrot à Paris. Lui est du Sud, vers Arles et il voulait fonder le lieu avec nous puis retourner dans le Sud, ce qu’il a fait un peu plus tôt que prévu avec le confinement et Gaby qui est tombée enceinte. On a repris ses parts et aujourd'hui, c’est notre lieu à tous les deux.


Qu’est ce que ça a changé à votre travail d’avoir votre lieu ?  


Pierre : Quand on a ouvert ici je dressais tout à la pince, je voulais que tout soit tout beau tout propre, on faisait des petites cartes papier. Au bout d’un moment on s’est dit on arrête toutes ces bêtises, on prend une ardoise avec un menu avec ce qu’il y a dans les frigos. On a laissé tomber tout le cérémonial. Ce qui m’importe, c’est la sincérité, plus que de faire pointu, un dressage très recherché.


Gabrielle : Oui, se concentrer sur les cuissons, les assaisonnements, les jus, les sauces, le sourcing des produits.


Pierre : Avant, quand j’étais à l’école hôtelière, je me revendiquais vraiment cuisinier, je n’aimais pas être en salle, maintenant je prends un plaisir immense le soir, en même temps que cuisiner, quand le restaurant est plein, à passer en salle, partager le vin. Le soir, je suis le patron plus que le cuisinier. Pour moi l’étiquette chef ne veut rien dire, surtout quand on a son bistrot, ici on m‘appelle Pierre, il n’y a pas de hiérarchie. On a plutôt intérêt à se tutoyer et à s'appeler par nos prénoms pour passer un bon moment. L’idée c’était de faire un truc à la cool, on a toujours aimé recevoir des gens à la maison. On est encore plus chez nous ici que dans notre appartement. Quand les gens passent la porte, ils sont chez nous.


Gabrielle : on veut transmettre ce côté chaleureux à notre clientèle.


Pierre : c’est aussi le quartier qui nous a appris ça.  


Quelles ont été vos inspirations ?


Pierre : On a découvert le vin nature juste avant d’ouvrir le Pinceau, Naoufel de Ô Divin nous a pas mal initié, et envoyé manger au Baratin, on allait chez Quedubon qui était à côté de chez nous. Ces bistrots m’ont appris à aller dans l’essentiel dans l’assiette. Je voyais que c’était aussi bon qu'en étant très simple. Le fait d’aller énormément manger chez les autres m’a permis de prendre du recul. Dans ma tête tout est réglé comme du papier à musique, mais j’aime bien maintenant que ça soit un peu plus simple. Aujourd’hui en cuisine pure, à part travailler des produits nouveaux, je n’ai plus vraiment de choses à apprendre, par contre dans le vin il y a tous les jours des choses nouvelles à découvrir.


Gabrielle :  J’étais en train de m’initier petit à petit au vin nature quand on a ouvert le restaurant, et au départ la carte n’était pas très nature. On a eu quelques retours mauvais des clients sur notre carte. Et comme le sourcing de nos produits était très précis, dans un souci écologique et qualitatif on y est venu pour le vin aussi, naturellement. J’ai dû initier mon palais à ces nouveaux goûts, au début je pensais que cela ne passerait pas, et aujourd’hui je ne peux plus boire des choses que je buvais avant, mon palais a complètement évolué. Dans la cave aujourd’hui on a des vins sans sulfite ajouté mais on a aussi des vins qui en ont un peu mais qu’on adore, on a des vins en biodynamie, en bio.


Pierre : En cuisine j’ai toujours cherché le petit producteur qui travaille proprement, fait des beaux produits donc il y avait une logique à faire le même travail avec le vin… Aujourd’hui on irait dans un restaurant qui aurait la carte des vins qu’on avait au début, cela ne nous plairait pas.


Justement, pour les produits comment se passe votre approvisionnement ?


Pierre : En tant que sous-chef de Benoît Dumas je faisais les recettes, je les mettais en place, je passais les commandes. Donc forcément en passant les commandes pour mon chef pendant quinze ans, ça devient des copains, donc quand j’ai monté mon restaurant, tout le monde a accepté de travailler avec nous, une quinzaine, un nous fait les échalotes, un autre les coquillages, etc, c’est ça qui fait qu’on a des produits de grande qualité.  


Gabrielle : Sinon on travaille avec seulement quelques vignerons en direct, et avec des agents de vignerons car à Paris c’est compliqué d’être en direct, mais ils nous font découvrir avec le vigneron, le domaine, et quand on sait comment ils travaillent c’est hyper important pour nous.


Vous diriez quoi à quelqu’un qui veut ouvrir son restaurant ?


Gabrielle : C’est un métier de fou, des horaires de dingue, mais c’est un métier de passion, le fait de travailler pour nous, on ne compte pas nos heures. Tous les jours on se lève et on sait pourquoi on le fait, et les retours des clients, c’est tellement gratifiant.


Pierre: C’est tellement agréable quand on est complet un dimanche, avec des gens de la restauration.


Gabrielle : Se lancer en couple c’est un vrai défi, car aujourd’hui que nous sommes parents je peux moins être au restaurant, notamment le week-end et ça c’est assez dur. Ça demande une vraie organisation au quotidien qui n'est pas simple tous les jours !


Pierre : Un restaurant c’est un marathon, c’est tous les jours. Certains soirs le service est horrible, quand tout le monde arrive en même temps par exemple.


Gabrielle : Mais certains services on n’a pas envie qu’ils se terminent tellement l'ambiance est super.  


Qu’est-ce qu’on pourrait améliorer dans la restauration ?


Pierre : Arrêtez de nous mettre à la télé, ou sur Instagram pour revenir à quelque chose de plus simple. Quand j’ai commencé le métier on me disait « t’es sûr ? la cuisine quand même tu risques de finir gros, alcoolique, dans le fond de ton restaurant… », aujourd’hui c’est tellement à la mode, en sortant de l’école hôtelière tout le monde veut passer à la télé.


Gabrielle : Aujourd’hui c’est dommage de ne plus pouvoir ouvrir un restaurant sans être sur les réseaux. Nous on sait qu’il faut être présent dessus mais on a du mal à le faire. On fonctionne par bouche à oreille. C’est tout petit ici donc c’est aussi confidentiel.


Citez pour le mois dernier : Un goût mémorable ?  :

Gabrielle : la sauce du lièvre à la royale du Pinceau


Pierre : Les Rouliers 2017 Richard Leroy


Un toucher ?

Gabrielle : les premiers cèpes préparés au restaurant


Pierre : les premiers oursins de la saison


Une odeur ?


Pierre : l’odeur du lièvre après cuisson toute une nuit


Gabrielle : le nez des Corvées sous Curons 2018 La Tournelle


Un son ?


Pierre : le bruit des Saint-Jacques qui font "clac-clac" quand j'arrive le matin.


Gabrielle : la voix de Louis Amstrong qui détend pendant le service


Une image ?


Pierre : les yeux de ma fille quand elle me demande des Saint-Jacques.


Gabrielle : la tête de Pierre qui me dit qu'il va finalement tenir le lièvre à la royale jusqu'à Noël.


Avez-vous des restaurants à recommander?


Les restaurants du quartier, Que du bon, Le Cadoret, Le Baratin. On y va tout le temps et eux viennent ici. Mais le Baratin, pour sa simplicité. La première fois que je suis entré, c’était exactement le genre d’endroit que j’aimais.


Un chef à citer ?


Pierre :  Mon chef Benoît Dumas pour sa technique. Quand j’étais stagiaire chez Senderens, il était chef de Partie, on s’est rencontrés là. Plus tard je l’ai suivi, Benoit m’a appris à prendre un produit et à le travailler de la tête aux pieds, et qu’à la fin dans l’assiette cela ressemble à ce qu’il était au début dans la mer, sur terre, dans le potager. Je le remercie pour m’avoir transmis cette volonté de travailler les choses dans son entièreté. J’ai toujours aimé les tâches fastidieuses.


La reine des recettes ?


Pierre : Le lièvre à la royale, car je ne connais pas beaucoup de recettes qui prennent autant de temps à faire entre le moment où le produit arrive et celui où on le sert. Une semaine se passe, car quand on les reçoit c’est une heure et demie pour mettre tout nus trois lièvres, une heure et demie pour les désosser,  puis il y a deux marinades à faire, un montage, une cuisson d’une nuit, on fait une seule tâche par jour.


Un collègue ?


L’adresse de Raphaël, qui avait ouvert ici avec nous, le restaurant Mesa, rue des Porcelets à Arles.


Des producteurs ?


On aime tellement tous nos fournisseurs, on peut citer Herald et Béa Un cheval Un champ à Saumur, Jean-Marie Caillot pour les échalotes, les volailles de la famille de Fleur Godard, les produits de la mer avec Thierry Metayer, les agrumes de Daniel Blasco (qui prend trois clients par an, les trois premiers qui se présentent), dans les vignerons on affectionne particulièrement dans le Jura, le domaine de La Tournelle, c’est notre petite fierté car c’est le premier domaine avec qui on a travaillé en direct, on a des millésimes, et on travaille ensemble chaque année.


Un commerce de quartier ?


Le primeur Ô Divin et la Cave de Belleville, on y est toutes les semaines pour le plaisir et pour les découvertes.


Une astuce de cuisine ?


Pierre : Une petite goutte d’acidité pour cuire les pommes de terre. Une goutte de citron, on de vin blanc, quand elles sont épluchées, ça permet de pousser la cuisson sans qu’elles explosent. L’amidon de la pomme de terre réagit à l’acidité et ça forme comme une petite coque autour de la pomme de terre qui permet de pouvoir les débarrasser sans qu’elles explosent, puis de les rôtir ensuite au beurre, elles vont ressoufler et devenir très croustillantes à l’extérieur et très moelleuses à l’intérieur. De manière générale, je mets toujours de l’acidité dans les légumes, ça les tient, dans l’eau de cuisson ou même quand on les déglace. C’est à la fois plaisant pour le goût et ça les empêche d’exploser sans vérifier en permanence la cuisson.


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Le menu du nouvel an le 31 Décembre prochain, en sept étapes, les réservations sont ouvertes !


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