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De formation littéraire, et malgré un passage dans la mode et dans la production audiovisuelle, Jennifer Audinet Lefebvre a toujours travaillé dans la restauration. Elle découvre le vin nature avec le caviste de l’île saint louis Lots of wine, et tout un monde de producteurs quand elle travaille dans la rôtisserie-traiteur puis au primeur de Ô divin (75020). Elle y reste un an et demi, rencontre des producteurs, va dans les domaines des vignerons natures, voit une nouvelle façon de consommer et la défend. Elle s’évertue à expliquer aux gens pourquoi il ne faut pas gâcher ni manger d’avocats. Ces convictions la poussent à ouvrir les Pieds sur Terre, une épicerie dans le 11ème arrondissement de Paris, qu’elle tient trois ans avant de descendre à Aix et d’ouvrir Jake, une épicerie-cave qui fait de la cuisine.
Bonjour Jennifer ! Raconte nous ce que tu fais à Aix ?
J’ai repris un local qui appartenait à des baristas torréfacteurs (j’ai fait une formation éclair chez Ten Bells pour apprendre à faire des coeurs sur les cafés). On a monté exactement la même boutique qu’à Paris, mais avec un bar de quatre mètres pour manger. Un café-épicerie avec une carte de sandwich et des plats que je cuisine en utilisant les produits de l’épicerie et aujourd’hui que du frais. On fait beaucoup de végétal. Parfois j’ai l’impression de faire un pas en arrière, de devoir à nouveau expliquer pourquoi on ne fait que des produits de saison, pourquoi on ne fait pas d’avocado toast…
Comment as tu choisi les circuits courts et locaux ?
C’est tellement rationnel et évident, comme choix. Je suis sensible à comment refaire l’Humain, car on a dépassé les bornes en terme de cohérence. Il faut faire comprendre aux gens qu’il y a des villages qui sont privés d’eau pour la culture de l’avocat par exemple. Pour faire un avocat il faut 1300 litres d’eau. Je pense qu’il faut redonner aux gens accès aux saisons, pour limiter le réchauffement climatique, arrêter de faire pousser n’importe quoi n’importe quand. Les citrons, c’est un fruit d’hiver. Si tu bois des citronnades en juillet c’est que le citron est gardé dans une chambre froide…
Qu’est ce que tu préfères dans ton métier ?
Les gens, qui sont d’un soutien sans faille. Tout le temps de bonne humeur. Ils te rendent tellement. Ils me donnent envie de me lever le matin.
Comment as tu appris à cuisiner ?
D’abord en regardant ma grand mère qui était la meilleure cuisinière que le Vietnam n’ait jamais porté. J’ai une manière de travailler les épices plus orientale qu’occidentale. Je mets beaucoup de fraîcheur, comme dans la cuisine vietnamienne. Ensuite j’ai appris à dresser les assiettes en travaillant à côté de chefs passionnés par les produits qu’ils cuisinent, avec le moins d’interventionnisme possible. Aujourd’hui je vais récupérer des paniers de produits qui font moins rêver, préparés par mon voisin épicier primeurs « 5 fruits et légumes », j’aime bien taper dedans pour les travailler direct.
Qu’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue quand on cuisine selon toi ?
Quand tu cuisines c’est pour les autres, pas pour se faire plaisir. Il ne s’agit pas de son propre palais. En face de toi, il y a des gens qui mangent, tout simplement. Pour moi le plus inspirant est l’équilibre des goûts. Mes recettes sont travaillées dans le but d’atteindre l’umami. Intégrer toutes les notes de façon cohérentes. Ce que j’aime le plus, c’est quand quelqu’un mange et ressent cet équilibre et arrive à dissocier toutes les intentions.
Qu’est ce que tu penses de l’alimentation telle qu’on la pratique aujourd’hui dans les boutiques de type Finglefood ?
Il faut qu’on trouve un moyen de préserver cette nouvelle énergie de retour à la terre en évitant de devenir trop commercial, trop abondant, comme un supermarché, où les produits s’abîment. Il faut réussir à rester dans une économie cohérente où la moitié ne va pas à la poubelle. Ce qui m’effraie c’est ce désir de vouloir toujours plus. Comment les producteurs peuvent suivre si on leur demande trop ? L’économie ne doit pas prendre le dessus sur l’humain.
Est ce que tu veux nous parler d’un.e producteur.ice ?
Michel Semandi, de la clef des champs, sur Ventabren. L’année dernière il a installé des ruches sur son exploitation. Il travaille en pleine terre plein champ et il est aussi serriste. Dans ses serres pour développer la pollinisaton il a un rang dédié aux fleurs sauvages, c’est magnifique. Il est spécialisé dans les melons, il a de magnifiques tomates.
D’un.e collègue ?
J’ai fait énormément de rencontres chez Ô Divin, des gens avec qui je travaille encore aujourd’hui. Si je peux faire ce que je fais aujourd’hui c’est seulement grâce à Naoufel, de la poissonnerie Ô Divin. Il a toujours été d’un grand soutien, même quand j’ai monté ma boutique. Il m’a tout appris et tout donné.
As tu une astuce zéro déchet à partager ?
Il vaut mieux utiliser l’application Phoenix que Too Good to Go pour acheter des invendus. Ce que fait Too Good to Go n’est pas normal, c’est illégal de faire des invendus plus bas que le prix coûtant.
Une astuce pour choisir un légume ?
Prendre les plus moches car personne ne les achètera. Prendre les plus gros, une tomate de 800 g vaut 5 euros mais c’est équivalent de 4 tomates. Et si elle est énorme ce n’est pas qu’elle est pleine d’eau.
Une bonne adresse à Aix à nous donner ?
Le meilleur restaurant d’Aix : Sauvage. Que des produits comme on aime, même pire (du caviar français par exemple). Le chef travaille les fruits de l’exploitation de son père aussi
Est ce que tu veux ajouter quelque chose ?
Oui, dire aux gens qu’il faut arrêter de vouloir devenir riche, et de réintégrer une économie solidaire.
Merci Jennifer !
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