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Isabelle Perraud est une vigneronne engagée. Avec Bruno, son mari, également vigneron, elle est à la tête du Domaine des côtes de la Molière, à Vauxrenard, dans le département du Rhône. Là, elle produit des vins respectueux de la terre et de l’environnement, certifiés en bio ou en biodynamie, dans la région du Beaujolais. Une décision prise en 1999, comme un déclic, après que Bruno se soit intoxiqué gravement avec un insecticide. Depuis, le couple a pris une décision radicale : ne plus utiliser de produits chimiques de synthèse dans leurs vignes. On lui a posé quelques questions pour en apprendre plus sur son approche du métier – et sa façon d’appréhender l’alimentation aujourd’hui.
Bonjour Isabelle ! Comment es-tu arrivée dans le monde du vin ?
Au départ, je ne me destinais pas à travailler dans le milieu du vin : je n'en suis pas issue et honnêtement, je n'y pensais pas ! J'ai rencontré Bruno très jeune, à 16 ans, sans penser que je ferais ma vie avec lui. Et puis 4 ans plus tard, on s'est mariés et je me suis laissée rattraper par le vin, les vignes et tout ce qui va avec. J'ai eu envie de tout apprendre, de tout comprendre, avec Bruno et d'autres vignerons. J'ai posé plein de questions, j'ai lu beaucoup et puis, assez rapidement, j'ai pris les rênes de notre domaine.
Quel est ton souvenir gustatif le plus marquant ?
Les fromages de chèvres de « La Mère Bleton » : une dame qui est morte depuis longtemps. Elle habitait à Vauxrenard, et travaillait torse nu quand il faisait chaud, « comme un homme »... Jamais je n'ai retrouvé des fromages aussi fins, aussi bons. Elle a emmené son secret avec elle et je pense très souvent à elle – à chaque fois que je mange du fromage de chèvre.
Est-ce que tu as déjà eu une épiphanie culinaire ?
Oui ! À chaque fois que je mange les bugnes de ma mère. Ma famille est Lyonnaise, et elle cuisine cette spécialité de beignets au sucre tous les ans, en suivant scrupuleusement la recette de sa grand-mère. Ma mère prépare les bugnes toujours à la même date, le 3 février, jour de naissance de ma petite sœur Camille. Jamais je n'ai mangé de bugnes aussi bonnes que celles de ma maman. Le secret : quand on étale la pâte, il faut voir la table en transparence à travers. Les siennes sont tellement légères que je peux en manger des tonnes !
Manger, qu’est-ce que cela représente pour toi ?
Un régime particulier en premier lieu, car je suis végétarienne. Ensuite, j’aime les choses assez simples ; je n'aime pas les plats en sauce, ni quand c'est trop épicé. J'aime manger au plus près du produit : croquer dans un légume cru, dans un fruit du jardin.
Et quand il est question de boire du vin ?
J'aime boire des vins que je comprends. J’entends par là que j’ai besoin d'avoir confiance dans le vigneron ou la vigneronne qui est derrière la bouteille de vin : j'aime savoir comment le raisin a été cultivé, comment le vin a été vinifié. J'aime les vigenron.ne.s qui font des vins sincères… Je ne suis pas une cliente facile !
Qu’est ce qu'il ne faut pas perdre de vue concernant l’agriculture aujourd’hui, selon toi ?
Manger et boire, pour moi, c'est un acte politique. J'aime savoir d'où les aliments viennent ; comment et par qui ils ont été produits. Évidemment, manger et boire des choses issus de l’agriculture biologique, c'est quelque chose d’important pour moi. En partie parce que je ne souhaite pas encourager certaines dérives de l'agriculture conventionnelle. Par exemple, quand on est producteur, on a tendance à croire que l’on doit produire de gros volumes pour pouvoir réussir à bien gagner sa vie ; on aimerait croire que l’on peut décider seul de la façon dont on conduit son exploitation, sauf que la réalité, c’est que l’on subit une pression énorme de la part des lobbys alimentaires. Mais lorsque l'on arrive à s’affranchir de tout ça, on se rend compte que l’on peut être libre de prendre les décisions que l’on veut, en fonction de ses convictions. Mais l’écologie, c’est une démarche qui va plus loin que la simple certification bio : l’enjeu, c’est de réussir à entretenir et préserver la terre, celle que l’on va transmettre à ses enfants. On est juste des oiseaux de passage, on a un devoir de bien faire.
Quelle est l’expérience qui t’a le plus marqué depuis que tu fais du vin ?
Toutes les expériences sont bonnes à prendre. Chaque millésime apporte son lot d’enseignements et est fondateur du prochain. Tous les ans, c’est une nouvelle remise en question. J'aime l'imprévu et surtout, j'aime savoir que je ne maîtrise pas tout.
Est-ce qu’il y a des vignerons ou des vigneronnes qui t’inspirent particulièrement ?
J'ai beaucoup d'admiration pour Marie Thérèse Chappa, ingénieure agronome devenue vigneronne dans le Canton du Valais, en Suisse. Peut-être parce que, comme moi, elle ne se destinait pas à être vigneronne. J'aime l'écouter parler : elle respire l'humilité. Elle a accompli un travail magnifique et j'aimerais lui ressembler... Avoir son aura, son charisme et tout son savoir.
Où est-ce que tu fais tes courses alimentaires ?
Je fais mes courses dans les magasins bio vers chez moi. J'essaie d'acheter de plus en plus des vêtements fabriqués en France. Ce n'est pas facile mais je m'y tiens. Ma fille achète elle uniquement des vêtements d'occasion dans des friperies.
Un producteur ou une productrice dont le travail t’inspire particulièrement ?
J'aimerai parler de Perrine Stas qui est une phytothérapeute qui travaille uniquement avec des plantes qui poussent ici, en Beaujolais. C’est passionnant – et en même temps, tellement difficile – d'apprendre à connaître toutes les plantes et les fleurs qui nous entourent ; d’apprendre à les laisser pousser… Elles nous aident à mieux vivre.
Une astuce particulière pour réussir à trouver de bons produits ?
Je ne sais pas si on peut dire que c'est une astuce, mais ce que je conseille, c’est d’aller s’approvisionner le plus possible en direct. Il n’y a rien de tel pour savoir d'où viennent les produits et savoir comment ils sont élaborés.
Une astuce zéro déchet ?
Mettre des poules dans un jardin et leur donner tous les déchets de la cuisine !
Une recette fétiche ?
Quand je reçois des clients étranger à la maison, je cuisine un saucisson à cuire avec des patates vapeurs et une salade verte. Certains me le réclament avant de venir maintenant ! C'est assez simple : on plonge le saucisson cru dans l'eau froide, on le porte à ébullition et on laisse frémir doucement pendant 1 heure, en piquant le saucisson avec une fourchette de temps en temps ! On l’accompagne de bonnes pommes de terre et d’une bonne salade.
Une bouteille pour l’accompagner ?
Un Saint-Véran 2017, cuvée Cornillaux, de notre domaine. C'est un Saint-Véran élevé en fût de chêne neuf pendant 2 ans, sur lies fines, sans ajout de soufre et non filtré. C'est un joli vin, à la fois très complexe et très accessible, avec des notes très bourguignonnes.
S’il ne fallait choisir qu’un seul produit, lequel cela serait pour toi et pourquoi ?
Le chocolat ! J'ai d'ailleurs une amie qui fabrique et vend du chocolat, Mam'zelle Choco à Rennes. Je suis complètement accro alors je m'arrange pour toujours en avoir dans un coin de mon placard !
Merci Isabelle ! Retrouvez les vins d’Isabelle et Bruno Perraud, certifiés bio et Démeter, sur l’application Fingle Food ou sur https://boutique-cotesdelamoliere.com/
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