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Giulia Guarino est cheffe et propriétaire du restaurant parisien Mimì Cave à manger dans lequel elle propose une cuisine de haute volée inspirée des parfums de sa Campanie natale. Dans sa petite échoppe du VIème arrondissement, à la devanture boisée, tout les plats sont faits maison. Ils sont également tous sans gluten. Atteinte de la maladie cœliaque, Giulia a d’abord appris à cuisiner sans gluten par contrainte ; aujourd’hui, c’est par passion pour la cuisine qu’elle explore toutes les alternatives à cette substance présente dans le grain de blé. Formée en Italie à côté de grands chefs comme Mathias Perdomo, Giulia a ensuite découvert l’univers des pâtes chez Giovanni Assente. Grande passionnée de pâtisserie, elle a ouvert son premier restaurant à Paris en 2017. On est allé lui poser quelques question sur sa passion pour la cuisine et son rapport au bien manger et au régime sans gluten.
Bonjour Giulia ! Est-ce qu’il y a un goût ou une odeur qui t’a particulièrement marqué dans ta carrière de cheffe ?
Je crois que c’est le parfum des pâtes qui sortent encore chaudes des filières en bronze, lors des journées passées à côté de Giovanni au pastificio (son atelier de confection de pâtes, NDLR).
Un souvenir culinaire qui est à l’origine de ta passion ?
Les déjeuner du dimanche en famille sont encore pour moi des moments fondamentaux autour de la table. Ils ont marqué mon enfance.
C’est quoi pour toi, manger ?
Manger, c’est une émotion, un voyage, un échange de cultures.
Et cuisiner ?
Pour moi, cuisiner, c’est à la fois un moment de plaisir, de satisfaction et de détente : ça me relaxe tellement ! Quand je suis aux fourneaux, je m’isole complètement, même si je cuisine pour des amis. C’est un moment d’aliénation du monde extérieur pendant lequel, grâce aux parfums qui émanent de la cuisine, je me concentre sur moi-même.
Qu’est ce qu'il ne faut pas perdre de vue concernant l’alimentation aujourd’hui, selon toi ?
L’importance de l’artisanat. En faisant les bons choix dans son alimentation, on peut permettre à tous ces artisans qui exercent des métiers de bouche, qui perpétuent des savoir-faire anciens, de survivre. Et puis, bien évidemment, on ne devrait jamais perdre le sens de la notion de saisonnalité – même si aujourd’hui on a accès à beaucoup de produits à n’importe quel moment de l’année…
Est-ce qu’il y a un chef ou une cheffe qui t’inspire – et pourquoi ?
Je ne pourrais pas en nommer qu’un seul : je me vois comme une abeille qui va butiner et faire le plein de bonnes choses sur plusieurs fleurs… Il y a des nombreux chefs et pâtissiers que je suis, comme Massimo Bottura, Anne Sophie Pic, Jacques Genin ou encore Nina Metayer… Je cherche à saisir la philosophie qui les anime – et puis à m’en inspirer.
Un restaurant ?
Un restaurant de cœur pour moi, c’est Mustafà : un restaurant traditionnel de poissons en face de la mer à Seiano, en Campanie – j’y vais depuis toute petite. Un restaurant qui m’inspire pour sa chaleur, c’est Don Alfonso 1890, à Massa Lubrense, à côté de Pompéi : au-delà de la cuisine, c’est grâce au sens de l’accueil de sa gérante, Livia Iaccarino, qu’on y vit des émotions inoubliables. J’ai toujours rêvé de faire vivre ce même type d’émotions dans mon restaurant.
Un lieu où tu aimes bien faire tes courses ? Ton commerce de quartier ?
Terroirs d’Avenir : quand je suis arrivée en France, c’est la première épicerie où je me suis sentie chez moi. Quand j’ai ouvert Mimì, j’ai découvert la Fromagerie La Ferme d’Alexandre : une valeur sûre pour tous leurs fromages.
Un producteur ou une productrice qui mérite selon toi d’être mis en avant ?
Giovanni Assente, de chez Pastificio Gerardo di Nola. Il a dédié toute sa vie à mettre en valeur un produit apparemment simple mais si fascinant : les pâtes. Il a voyagé et cuisiné partout : en Italie, dans le monde entier, avec les chefs étoilés ou dans les fêtes de village. À chaque fois avec la même volonté : transmettre l’importance de ce produit formidable que sont les pâtes : les raconter, expliquer ce qu’est réellement une pâte de qualité, l’importance du blé...
Tu t’es passionnée à la cuisine grâce aux pâtes : ça a dû être un choc énorme quand tu as découvert ton intolérance au gluten ?
Ce fut un trauma très profond et j’ai dû mettre fin à une partie essentielle de ma vie. J’avais 21 ans et mon bagage gastronomique était déjà fortement lié au gluten... Mais ça a été une libération aussi : quand je suis parvenu à « détoxifier » mon corps du gluten, je me suis sentie renaître, je voyais à nouveau le monde en couleurs. Avant, j’étais tout le temps fatiguée – je me sentais mal sans savoir pourquoi.
Est-ce qu’aujourd’hui, c’est encore un problème pour toi ?
Pas vraiment, mais ça complique toujours les choses… Je ne peux pas manger dans n’importe quel restaurant, je dois toujours tout prévoir à l’avance. Encore aujourd’hui, même dans des grands restaurants, ça m’arrive d’être intoxiquée à cause de la négligence ou l’ignorance de certains chefs…
Pourquoi n’est-il mentionné nulle-part, ni sur ta devanture ni sur la carte, que Mimì est un restaurant sans gluten ?
Car les gens qui sont intolérant au gluten me trouvent quand même. Et probablement que tous les autres ne rentreraient pas dans mon restaurant s’ils voyaient un tel affichage : on a une image souvent très négative de la cuisine sans gluten. Mais il faut rentrer chez moi et venir goûter : vous seriez surpris de découvrir que la nourriture sans gluten peut être tout aussi gourmande, même en cuisinant des pâtes !
Justement, quelles genre de pâtes utilises-tu ?
Principalement celles sans gluten de Gerardo di Nola, à base de farine maïs et de riz. Elles ont un très bon parfum de maïs et une très bonne texture – et à la différence d’autres marques, elles restent bien al dente comme il faut !
Est-ce que tu as une astuce pour ne pas se tromper quand on fait ses courses ?
Pour les fruits et les légumes, il faut toujours se fier à son nez : ils doivent sentir bon. Une tomate qui n’a pas de parfum, n’aura pas de goût non plus…
Une astuce de cuisine à nous partager ?
Prendre son temps et prendre du plaisir. Quand on cuisine, les sentiments se transmettent toujours dans l’assiette. Je me souviendrais toujours d’une fois où une cliente s’est soudainement arrêtée de manger et m’a dit : « Basta, ce n’est pas bon. Ce n’est pas mauvais, mais on sent que tu es nerveuse. Je reviendrai une autre soir. » Ella avait raison.
Une astuce zéro déchet ?
J’adore utiliser les épluchures pour prépares des infusions, des soupes… Et avec le pain rassis je prépare toujours des chapelures,que je parfume avec des herbes aromatiques ou des olives ou même encore avec des écorces.
Découvrir la recette de Giulia Guarino.
Entretien par Ilaria Brunetti
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