L'app du bien manger et du gaiement boire !

Fine Gueule

Fleur Godart

À dix-sept ans, alors qu’elle remplace son père, éleveur de volailles, sur un marché, Fleur Godart se voit offrir par un vigneron un verre de vin dont elle se saisit, intimidée, car elle n’y connait rien. Tout au long de la journée, elle le sirote, chaque gorgée la bouleverse et lui procure une nouvelle émotion. Elle réalise que le vin a le pouvoir de raconter des histoires : une vocation est née. Elle passe un an dans les vignes puis un an à vinifier, avant de monter à Paris vendre ce vin naturel. De caves en restaurants, bars à vins et grossistes, elle poursuit sa formation, puis part à la chasse au vin pendant trois ans, avant de créer "Vins et Volailles", et de co-écrire avec Justine Saint Lô les BD « Pur Jus » (éditions Marabout). Aujourd’hui, associée à trois amies avec qui elle partage des opinions tout autant que le goût du vin, elle produit des cuvées militantes ( la première « Putes Féministes » créée en réaction à une insulte proférée à leur encontre, suivie de cuvées telles que « Sorcières », « Male Tears », « On ne peut plus rien dire », « Femme de », etc. Elles veulent ouvrir le vin à celles et ceux qui ne se sentent pas légitimes d’entrer dans une cave. Déconstruire ce que l’on connaît. Montrer sur leurs étiquettes les sous-représenté.e.s, dans un milieu principalement masculin et blanc.

Ton plus lointain souvenir culinaire ou gustatif frappant ?

Le poulet rôti de ma grand-mère hollandaise, éleveuse de poulets. Elle a un placard aux épices incroyable (les hollandais ont une tradition culinaire très bigarrée, du fait de leur héritage des colonies), et son poulet sentait fort ce mélange.

C’est quoi pour toi manger ?

C’est central. Synonyme de plaisir avant tout, de bien être. C’est trouver du sens.

Et cuisiner ?

C’est partager ce plaisir, d’abord aux enfants, puis aux amis. Tu brûles toute la journée, et qu’est ce que tu choisis pour te re-constituer quand tu remets du carburant ?

Qu’est ce qu'il ne faut pas perdre de vue concernant l’alimentation aujourd’hui, selon toi ?

L’impact de ce que l’on mange. Se demander où les choses poussent, dans quelles conditions, comment vivent ceux qui les produisent, s’ils sont heureux, ce qu’ils ont utilisé comme produits, le trajet que les aliments ont effectué pour arriver jusqu’à nous, comment ils ont été stockés, à quel prix. S’interroger sur les traces laissées dans le monde et dans le coeur des gens.

Un.e chef.fe qui t’inspire ?

C’est dur d’en choisir un.e. mais Amélie Darvas de Äponem, l’Auberge du Presbytère, à Vailhan (34320). Elle et Gaby Benicio ont un potager et tout ce qu’il faut pour fonctionner en autonomie. Elles utilisent très rarement de la viande, sauf pendant la période de la chasse, une viande tuée à l’arc et dépecée d’une certaine façon. Elles remettent du sacré dans l’assiette. Je pèse mes mots car je viens d’une ferme avicole qui a un abattoir industriel depuis 2010 à cause des nouvelles normes. J’aime les questions que posent cette cuisine. Les assiettes sont fraîches, délicates, jouissives, vivantes, et joyeuses. Tu te sens revigorée.

Un commerce de quartier ?

La Coopérative de la Louve (75018). Des choses très bonnes, peu chères, sans snobisme. Un endroit inclusif où des gens qui ne consomment pas bio peuvent aussi trouver des produits qui leur ressemblent tout en achetant des légumes bios à des prix extrêmement bas. L’utopie de faire la nique aux supermarchés.

Un.e vigneron.ne ?

Catherine Riss en Alsace parce qu’elle fait tout toute seule sur son domaine en biodynamie, alors que tous les vignerons ont des femmes derrière eux pour gérer les papiers, la compta, la cuisine pour les vendangeurs, et les enfants. Elle est impressionnante.

Une région gastronomique ou viticole préférée ?

Le Jura et l’Auvergne pour leurs vins, leurs charcuteries et leurs fromages.

Une astuce pour choisir un de tes produits de prédilection ?

Le poulet : il faut le prendre gros. Un petit poulet est trop jeune. N’importe quel poulet trop jeune aura le même goût, le même poids et la même consistance, qu’il soit de plein air ou en batterie. Le goût change seulement à partir de quatre-vingts jours (le label rouge et bio c’est quatre-vingt un jour). À cent, cela devient vraiment intéressant, la courbe de consommation de nourriture explose et la courbe de prise de poids ralentit. Le poulet stocke du gras, c’est cela qui fait la qualité de la fibre musculaire et le goût.

Une astuce zéro déchet ?

C’est Jill Cousin, la spécialiste. Dans son « Manuel du bon sens cuisinier » (First Editions), la recette du cake à la clémentine qui se fait en treize minutes chrono. Des amandes, des clémentines entières avec la peau et les pépins, de l’huile d’olive, des oeufs, on mixe, un papier, un moule à cake, au four, et bisous, c’est trop bon !

Une recette ?

Ma recette type quand je ne sais pas quoi faire : des cuisses de volaille au four. Le gras est sur les cuisses, donc le goût. On met les cuisses sur une plaque, avec des légumes autour, du sel et des épices (pas d’huile, c’est déjà très gras). On allume le four à 200 degrés, et on revient une heure plus tard. La peau se transforme en chips, elle fait des petites cloques, c’est délicieux.

Une bouteille pour l’accompagner ?

Si on met des artichauts avec le poulet, comme c’est la saison et que c’est délicieux, et aussi inaccordable, on peut mettre une macération de cépages très aromatiques, comme un vin orange qui va sur des amers - un accord ton sur ton. Ma macération préférée est celle de Milan Nestarec en République Tchèque, « Gintonic », une macération de Sauvignon, qui me met la chair de poule.

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