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Fine Gueule

Anthony Chouchan

Avec Esther Vieille et Matthieu Hernandez, Anthony Chouchan est propriétaire du bistrot vivant Des Terres, un lieu de vie où l’on vient pour prendre un bon café ou un repas, se laisser séduire par une quille vivante ou boire un verre en écoutant le dernier vinyle de leur collection.  Pour Anthony, son travail est une véritable mission dont le but est de chouchouter le client, de le mettre à l’aise et de lui procurer des émotions.

Fils d’un restaurateur, ce n’est pourtant qu’après des études en finance et un début de carrière comme banquier qu’il tombe amoureux du métier de serveur. Après une première expérience comme chef de rang dans une grande brasserie (décrochée avec un CV complètement faux ), il a un gros coup de cœur pour  l’univers des vins natures, qu’il découvre avec Arnaud Bradol, chez Fines Gueules, où il travaille plus de 4 ans en tant que sommelier et directeur de salle. Suivent d’autres expériences (Lazare, Rubis…) avant d’ouvrir son lieu avec son ami d’enfance et sa compagne en février 2021. Nous sommes allés le rencontrer pour parler de cette aventure.

Bonjour Anthony ! Qu’est-ce qui t’a poussé à créer ton lieu ?

L’envie de raconter mon histoire. De partager ma vision, dans laquelle le service et l’attention au client sont au cœur de l’expérience. J’ai souhaité un service détendu qui s’adapte à la personne, est à l’écoute des gens, là pour chouchouter les clients…

Y a-t’il quelqu’un qui a inspiré ta démarche ?

Plein de gens, pour plein de petites choses ! Le Bistrot Papillon était un lieu que j’adorais, on y mangeait bien, l’ambiance y était extraordinaire, les deux propriétaires étaient très charismatiques. Mon expérience aux Fines Gueules, aux côtés d’Arnaud, m’a aussi énormément marqué ; sa vision du vin, sa générosité, sa capacité à construire une belle équipe qui s’entende bien. Ça m’a donné envie de créer un lieu dans lequel on a envie de travailler, où l’on prend du plaisir des deux côtés.

Quel rôle a eu le vin dans ton expérience ?

Je venais d’une école classique où il y a beaucoup de règles, où la dégustation est très cadrée, alors qu’aux Fines Gueules j’ai découvert une grande liberté dans l’approche. Je me souviens encore de la grosse claque que j’ai prise en buvant Illusion BB de Philippe Jambon, pour la première fois j’ai vraiment ressenti des émotions. Le vin était vivant, je prenais du plaisir à le boire.

Comment conseilles-tu un vin ?

Il faut comprendre le client, essayer d’interpréter qui tu as en face, sans s’imposer, sans le noyer de ton savoir : est-ce qu’il est un buveur d’étiquettes, est-ce qu’il cherche des émotions, quel prix est-il prêt à mettre, est-ce que tu dois faire un peu de pédagogie… ? Quand je parle de vin, je défends toujours une personne, une histoire, et non pas qu’une appellation ou un cépage…

Comment expliques-tu le vin nature à un client qui ne le connaît pas ?

Je ne parle pas de vin nature généralement, je parle plutôt de la philosophie du ou de la vigneron.ne, de son approche du métier, j’essaie de parler d’émotions d’abord. J’évite tous les mots galvaudés comme “nature” ou “biodynamie”… Je ne veux pas cadrer quelque chose qui n’est pas censé être cadré.

Qu’est-ce qu’il ne faut pas oublier quand on parle de viticulture ?

Je ne peux pas parler à la place des vigneron.ne.s… Mais ce que je ressens, c’est que ce travail implique un retour à la terre magnifique tout en étant très dur. Il y a une urgence. Il y a beaucoup de solitude et de détresse, sans qu’on s’en rende toujours compte. Les vigneron.ne.s doivent faire face à des situations très difficiles, des conditions climatiques qui changent et doivent se mettre constamment en danger pour offrir un vin vivant : c’est une grosse prise de risque quand on n’admet pas de compromis. Ils ont besoin de soutien, qu’on explique leur travail et le prix de certaines bouteilles.

Tu aimes profondément ton métier et pourtant, encore aujourd’hui, les métiers de la salle n’ont pas eu la reconnaissance que la cuisine a eu…

C’est intéressant d’en parler. Il y a eu effectivement un gros changement du statut des cuisiniers, grâce aux médias. Si avant l’école hôtelière était réservée aux cancres qui n’avaient pas envie d’étudier, aujourd’hui il y a une starification du métier et, même si ça a amené d’autres problèmes, c’est génial. Ce même travail reste à faire pour la salle, le serveur n’est pas du tout valorisé, on entend encore l’expression « porte assiette », c’est horrible ! Il faudrait faire un « Top Serveur » pour redonner du sens à ce métier, en montrer la grande importance.

Nous traversons une période de crise assez importante dans le monde de la restauration. Qu’est-ce que tu ressens par rapport à ça ?

Nous sommes à un virage où il faut changer les choses. En ce moment gérer un restaurant coûte cher : les prix des matières premières explosent, les prix des vins augmentent, et le personnel n’est plus prêt à soutenir des rythmes de travail si dur. Pourtant les restaurants sont importants dans l’économie et dans la sociabilité d’une ville, ils sont une toile de fond lors des passages importants d’une vie : combien de moments marquants on y passe ?

Quelle est la solution ?

Je ne sais pas, mais ce qui est sûr c’est que cela ne doit pas être au client de payer tout ça. Comment faire ? Il faut trouver une solution entre salariat et patronat pour que cela soit moins lourd pour les employeurs….

Pour avoir plus de marge de manœuvre ?

Exactement ! On ne peut pas agir seuls. Peut-être qu’il faudrait sinon créer des nouveaux concepts, éliminer les coupures, ou créer des restaurants du soir et des restaurants du midi…

Qu’est-ce que tu as appris de ton expérience d’entrepreneur ?

Qu’il y a toujours des problèmes mais aussi toujours des solutions, si l’on résout un seul problème à la fois. Le plaisir d’accueillir les gens dépasse largement les difficultés, la bienveillance de nos clients est touchante.

As tu un.e vigneron.ne de cœur ?

Quand j’ai monté ce restaurant j’ai tout de suite contacté le Domaine Valette et Hervé Souhaut (Domaine Romaneaux Destezet), car je n’aurais jamais imaginé ma carte sans leurs références. Après il y a eu plein de belles découvertes et de coups de cœur, comme Fanny Daher ou le Domaine Santamaria….

Tu rentres dans un restaurant si… ?

Si on me l’a conseillé avant ! Ça m’arrive rarement de m’arrêter par hasard dans un lieu, c’est toujours grâce au bouche-à-oreille.

Un restaurant de cœur ?

Il y en a tellement ! On se connaît tous et on s’adore, c’est difficile d’en dire un… Je mentionnerais Korus qui a réussi à créer une équipe extraordinaire, il y a une belle harmonie entre eux. Mais aussi À Mi-Chemin, où Nordine Labiadh et sa femme Virginie font un travail extraordinaire. Nordine s’est construit tout seul en commençant en bas de l’échelle et est resté très humble malgré son succès. Il est profondément amoureux de son métier et a les yeux qui brillent quand il parle de son travail. Il aime accueillir les gens. Il est très inspirant !

Le dimanche à la maison c’est ?

Poulet, patates (régressif) et une petite macération pelliculaire bien marquée, bien rigolote !

La dernière bouteille qui t’a marquée ?  

Orchis Mascula 2018 de Claire Naudin, Hautes Côtes de Beaune, un pinot noir clivant, pas parfait, un nez floral, magnifique, tout en tension…

Merci Anthony !

Image et entretien : Ilaria Brunetti

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