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Après une longue carrière comme journaliste gastronomique et rédacteur en chef à l’Humanité, où Paule Masson travaillait sur la gastronomie comme moteur des changements de la société, Paule est aujourd’hui une journaliste indépendante, auteure et experte en alimentation durable. Au mois de Mars prochain, elle ouvrira aussi sa propre maison d’hôte écoresponsable, « Les Jardins de Mala », un lieu dédié au vivant, à la nature et à la cuisine durable, avec un jardin comestible à disposition des clients et un grand four à pain. Paule et ses invités y animeront des stages de cuisine du vivant, en lien avec l’écosystème local (levain et pain, cueillette comestible et cuisine sauvage, savoir conserver, les fermentations, la cuisine végétale, cuisine et climat, bien manger pour pas cher etc.)
Bonjour Paule ! Qu’est-ce qui t’a amenée à ce projet de maison d’hôte ?
Un travail journalistique de longue haleine sur l’alimentation et les rencontres avec des personnes très engagées dans le changement du système alimentaire : producteurs, restaurateurs, chefs, agriculteurs, paysans… À force d’un travail théorique, j’ai eu envie de me confronter à des bonnes pratiques, à m’engager activement pour le vivant.
Quelles difficultés as tu rencontrées ?
La seule grosse difficulté a été de prendre la décision. J’avais un travail intéressant et enrichissant qui me donnait une sécurité économique… Mais une fois que j’ai pris la décision, les choses se sont faites assez naturellement.
Avec ce changement de cadre, de la ville à la campagne, a t-il été plus facile de trouver des bons produits ?
Quand on cherche à acheter le plus directement possible, il y a une prospection à faire qui prend du temps, mais maintenant j’ai un très bon réseau de producteurs et commerçants. Et puis je suis dans la forêt, qui est elle-même pleine de comestibles ! En tout cas, que l’on soit en ville, en banlieue ou à la campagne, il faut faire un effort pour trouver les bons marchés, les producteurs, les commerces de bouche…Il y a 15 ans, en banlieue, j’avais arrêté d’aller au supermarché, en le remplaçant par des superettes bio et des commerces de bouche : avec le même budget je mangeais autant, beaucoup mieux et je prenais plus de plaisir à faire mes courses.
Est ce que l’on peut manger bien pour pas cher, même à Paris ?
Oui, mais il faut changer ses habitudes ; réduire la consommation de viande et privilégier les légumineuses, acheter brut, utiliser tout le produit (les fanes, le vert du poireau, les os…), pour pouvoir acheter bio. Il faut arrêter d’acheter des produits transformés qui coûtent extrêmement cher pour de la très mauvaise qualité ! On doit cuisiner plus et acheter chez des commerçants qu’on connaît. Derrière un produit pas cher, il y a un agriculteur pauvre. C’est important de le dire, la grande distribution triche sur les prix.
Qu’est-ce qu’il ne faut pas perdre de vue concernant l’alimentation ?
L’alimentation moderne rend malade : l’obésité ou le diabète, classé comme pandémie par l’OMS, sont dûs à une alimentation trop grasse, trop salée, trop sucrée.
Il est bon de réapprendre à cuisiner les légumes. Et puis de ne pas oublier qu’il faut toujours prendre du plaisir à manger et à cuisinier, il n’y a rien de plus gratifiant !
Est-ce que les chefs ont une responsabilité sociale ?
Une énorme! Ils jouent un rôle de prescripteurs et sont au bout de la chaîne ; ils ont des choix très importants à faire, dans les produits et leur usage. Le service en salle doit aussi leur permettre d’expliquer ce qu’on mange.
Pourrais tu citer un.e chef.fe qui t’inspire et nous dire pourquoi ?
Nadia Sammut de l’Auberge la Fenière. Elle a une conception très holistique de l’alimentation, qu’elle voit comme un système agricole, une économie, une société, un enjeu environnemental et pour la santé. Mais aussi parce qu’en étant malade, cœliaque, elle a décidé de travailler une cuisine sans allergène, bonne, goûteuse, et accessible à tout le monde. Nadia n’a pas juste remplacé les produits interdits, elle a créé autre chose. Ce n’est pas une cuisine sans gluten, c’est une cuisine avec d’autres produits. Elle a fait de la Fenière un lieu de vie où l’ont vient comprendre, partager, où l’on visite le jardin… elle relie les savoirs.
Un producteur que tu as envie de mentionner ?
Je préfère citer un métier, celui du maraîcher. C’est l’un des métiers agricoles le plus dur, qui demande énormément du travail et qui rapporte le moins. J’ai beaucoup d’admiration pour le rapport que les agriculteurs en bio et en agroforesterie ont avec la terre. Ils travaillent le vivant et l’alimentation de demain est l’alimentation du vivant, c’est le plus grand enjeu pour notre futur.
Comment atteindre cet objectif ?
Il faut repenser le système agricole. Un mouvement est en train de se faire par le citoyen et les agriculteurs, mais nous avons besoin d’une action politique forte, d’un investissement massif du gouvernement pour subventionner l’agriculture du vivant et favoriser la transition écologique. Il faut aussi démondialiser et relocaliser le système alimentaire.
Tu rentres dans un restaurant si… ?
Si la carte est courte, l’origine des produits y est affichée et s’il y a des vins nature ou bio.
Aurais tu une astuce zéro déchet à nous partager ?
Le bouillon de restes : dès que j’ai un os, je confectionne un bouillon avec, en y ajoutant des, légumes, des épices… Je l’utilise ensuite pour y cuire des pâtes ou pour préparer une soupe avec des légumes, des fânes : je mixe tout et si j’ai des restes de riz ou d’autres céréales qui trainent dans le placard, je les ajoute. En hiver comme en été je fais des soupes tout le temps, elles sont bonnes et nourrissantes.
Une recette fétiche ?
Le fondant de lentilles au chocolat : très facile à faire, ce gâteau est plein de qualités !
Sans farine, sans beurre, quasiment sans sucre, on en redemande
Confectionné à base de lentilles cuites, il représente un bon moyen de manger des légumineuses dont nous ne savons pas toujours varier les modes de préparation. Par leur apport en protéines, les lentilles permettent aussi de diminuer notre consommation de viande, ce qui est bon pour le climat qui ne digère plus les émissions de gaz à effet de serre de l’élevage industriel. Les légumineuses portent aussi l’empreinte d’une agriculture naturelle car elles poussent sans engrais chimiques et leur racines nourrissent le sol.
Ingrédients
230g. de lentilles corail cuites
200g. de chocolat à cuire
1/2 tasse de café fort
2 œufs
1 banane assez mûre
50g de sucre
2c. à soupe de rhum
1 sachet sucre vanillé
50g de levain à pic où 1/2 c. à café de levure
Préparation :
Faire fondre doucement le chocolat avec la 1/2 tasse de café. Mélanger.
Mixer les lentilles avec les œufs, le sucre, la banane, le rhum et le sucre vanillé.
Mélanger les deux appareils.
Ajouter le levain (ou la levure) et bien mélanger
Verser dans un moule plat sur du papier cuisson.
Cuire 20 min à 150°
Laisser refroidir avant de démouler.
Accompagner si vous le souhaitez avec :
Un coulis de kiwis citronné en hiver
Un coulis de framboises en été
Un coulis de banane au lait d’amande en toute saison
Une quenelle de mascarpone vanillé
Merci Paule !
Entretien par Ilaria Brunetti
portrait Paule Masson ©Laurence Blasco-Mauriaucourt
Photo gâteau au chocolat ©Paule Masson
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