L'app du bien manger et du gaiement boire !

Fine Gueule

Mélissa de Monchy

Mélissa de Monchy a commencé la pâtisserie il y a douze ans, alors qu’elle était orthopédiste. Très amatrice de pâtisserie et du rituel du thé, elle décide d’ouvrir son salon de thé avec accord pâtisseries-thé, alors qu’elle n’y connait encore rien. Contre toute attente, elle est prise dans l’équipe du chef des cuisines du Lutétia qui décide de la former sur le tas, séduit par son projet. Elle passe ensuite par les cuisines de Yannick Alleno, puis chez Pierre Hermé, avant de prendre du temps, pendant lequel elle se consacre autant que possible à la tablée des Chefs. Cette association fondée au Canada existe aussi au Mexique et en France et a pour mission de nourrir les familles dans le besoin en luttant contre le gaspillage et l’insécurité alimentaire, et de développer l’éducation culinaire des générations futures, et les sensibiliser à une alimentation saine.


Bonjour Melissa, tout d’abord est-ce que tu peux nous raconter cette formation au Lutétia ?

Au début cela a été très compliqué. Le premier jour, je suis arrivée et on m’a dit « lance une crème pâtissière. » Je les ai regardés en disant « on fait comment ? ». Je ne connaissais rien. C’était génial et hyper dur à la fois. J’étais une grosse charge pour tout le monde, je n’avais aucun des gestes. Au début l’équipe l’avait mauvaise car je prenais la place de quelqu’un, mais ils ont vite réalisé que je voulais vraiment apprendre, et alors ils m’ont formée. J’ai compris que si on est passionné et volontaire, on peut y arriver. Au bout de deux ans, le Lutétia a fermé pour travaux et j’ai intégré le groupe de Yannick Alleno quelques temps.


Avais-tu tout de même un lien particulier à l’alimentation ?

Ma mère a toujours beaucoup cuisiné. Elle est curieuse, elle a beaucoup de livres de cuisine, elle n’achète ses produits qu'au marché ou en direct producteur.

Que représente la pâtisserie pour toi ?

C’est de la haute couture. Le plaisir des sens. La culture du palais.

Qu’est ce que tu penses de la pâtisserie aujourd’hui ?

Il faut apprendre à utiliser d’autres sucres, cela prend du temps et ça a un coût, mais la pâtisserie a vraiment à y gagner.

Est ce que tu peux nous expliquer ta mission à la Tablée des Chefs ?

Je donne des ateliers bénévoles en foyer (ndlr :dans le cadre de leur programme « Cuisine ton avenir »), et en team building pour produire des repas pour des associations qui font des maraudes. Je passe beaucoup de temps dans un foyer du 19e arrondissement de Paris, avec des adolescents. Parfois avec des enfants. Je leur apprends à cuisiner un plat et un dessert à partir de produits simples et de saison. Ils prennent du plaisir à faire quelque chose ensemble. Je leur demande ce qu’ils vont vouloir faire. Par exemple, là dans le 19e ils avaient envie de faire une mousse au chocolat, on en a fait une à la fève de tonka et au caramel au beurre salé. J’ai aussi donné des cours à l’Armée du Salut, à des adultes entre vingt cinq et trente ans, en réinsertion, pour la plupart des immigrés, dans le foyer où j’ai collaboré. Ce sont souvent des gens en formation pour un travail qui leur tient à coeur. Parfois quand ils arrivent à l’atelier, ils sont sur la réserve, puis ils prennent plaisir à cuisiner, ils s’impliquent dans la préparation et à la fin ils sont fiers de présenter ce qu’ils ont fait aux autres copains du foyer.

Cuisiner c’est prendre du plaisir à faire quelque chose ensemble. C’est du lien. Ce n’est pas le résultat qui est important dans le fond, le plus important c’est la cohésion entre ceux qui ont cuisiné ensemble.

Constates-tu un réel changement chez ceux qui y participent ?

Oui énorme ! Au début d’un atelier ils ne se parlent pas, puis ils discutent, sont moins fermés, ils sont fiers de ce repas qu’ils mettent au point, en plus de saison, avec des bons produits, des légumes. On en profite pour leur faire découvrir des légumes qu’il ne connaissent pas, la patate douce par exemple, ou la pâte de haricot rouge. Cuisiner devient pour eux non plus une corvée mais quelque chose de bienveillant, envers soi-même et envers les autres. Il y avait une jeune fille qui la première fois ne voulait presque rien faire, qui restait dans son coin, la deuxième fois elle était très enthousiaste, sautait partout, a parlé davantage et a voulu faire plein de choses.

Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté au niveau de ta propre cuisine ?

Ça a beaucoup changé, car j’ai toujours été très exigeante avec moi-même. Cela m’a appris à relativiser. La pâtisserie est minutieuse, c’est le respect des dosages, des temps de cuisson. En pâtisserie si vous loupez une température c’est fichu, vous pouvez jeter. Dans un restaurant gastronomique on ne tolère aucune erreur, on est dans la perfection en permanence, comme de la haute couture. Moi ça m’a appris à être moins perfectionniste, à dédramatiser des moments de panique quand on est dans le rush, en cuisine. Le plaisir aujourd’hui a pris le pas sur tout le reste, grâce à celui que j’ai vu sur les visages pendant mes ateliers.

Et au niveau personnel ?

On se complique la vie sur tellement de choses alors qu’un moment simple de partage, comme celui là, c’est tellement énorme. Pendant les cours je me mets en retrait, je regarde les visages, et je vois leur plaisir, et ça c’est ce qui me touche le plus. Je passe aussi un très bon moment. Et puis, il y a une différence entre savoir que des gens font des maraudes, etc, et le voir. On ne se rend pas compte à quel point des gens donnent de leur temps pour que ça soit possible. En faire partie pour que ça existe, c’est différent, on en parle pour essayer de sensibiliser les autres. La loi pour mettre de la javel pour que personne ne récupère la nourriture m’a tellement choquée. Au lieu de jeter la nourriture, donnez les à des associations, on sait que les yaourts se mangent plus longtemps, on peut manger les fruits et légumes qui ne sont « pas beaux » à la consommation, il faut les donner à une association. Chacun devrait se donner la peine d’agir différemment. Il faudrait que les supermarchés donnent des paniers à des associations pour qu’elles les distribuent. On est dans une société de vitrine où chacun essaie de montrer qu’il est mieux que les autres, il faudrait remplir l’arrière boutique plutôt que la façade. Il y a des choses qui devraient être normales : avoir un toit sur sa tête, avoir chaud en hiver, et manger correctement.

Peux-tu nous dire ce qui est primordial pour réussir en pâtisserie ?

Le respect des quantités !

As tu un lieu à recommander ?  

Le Jardin Sucré (Soit dans les boutiques Fou de pâtisserie, soit dans leurs boutiques dans le 17e). Je recommande la tarte pistache fleur d’oranger, l’équilibre entre la pistache et la fleur d’oranger est parfait.

La pâtisserie reine ?

Le Paris-Brest (celui de Conticini est un délice) et la tarte aux fraises. La simplicité en pâtisserie ne veut rien dire.

Le souvenir d’une odeur marquante dernièrement ?

L’odeur de la coco et de la noisette torréfiées, rassurante, qui me fait plaisir et me rend heureuse, quand je la sens.

Un toucher mémorable ?

Le chocolat fondu avec du beurre de cacao. On faisait des desserts au chocolat au Lutétia et je me suis retrouvée avec les mains recouvertes d’un chocolat chaud, à température, je me suis massé les mains avec et c’était hyper agréable. Mes mains étaient toutes douces ensuite !

Une astuce de pâtisserie à partager ?

Faire toutes les crèmes la veille, c’est tellement meilleur après.  Et faire torréfier tous ses fruits à coque quoi qu’il arrive.

Merci Mélissa !

Découvrir aussi...