L'app du bien manger et du gaiement boire !

Fine Gueule

Antonin Iommi-Amunategui

Auteur, entre autres choses, d'un sémillant manifeste mais aussi créateur d'un salon sur le vin naturel, Antonin Iommi-Amunategui a cofondé la surprenante maison d'éditions Nouriturfu avec Anne Zunino, qui ne se contente pas d'éditer des livres mais aussi d'organiser trois salons autour de la relation viscérale entre culture et agriculture.

Que cache le nom « Nouriturfu » ?

C’est un jeu de mots complètement barbare entre nourriture et futur en verlan avec un seul « r » parce qu’on manque pas d’air. On l’a trouvé quand on a fondé en 2016 cette « maison d’édition et d’événements qui s’avalent ».

Comment en êtes-vous venu.e.s à monter cette étonnante maison bicéphale ?

À l’époque, j’avais déjà créé le salon Sous les pavés, la vigne via le média Rue89 avec qui je collaborais. Le média a été racheté par l’Obs et est devenu une simple rubrique, ce qui n’avait plus trop de sens pour moi, d’autant plus que l’Obs était trop grand par rapport à ce que l’on voulait. C’était l’occasion de faire quelque chose avec la maison d’édition que l’on venait de créer.

Anne, elle, vient vraiment du monde de l’édition. C’est venu assez naturellement pour nous d’associer ces deux casquettes et de créer une structure qui chapeauterait tout ça et qui s’alimenterait mutuellement. L’idée étant de mélanger culture (au sens large) et agriculture. Ce que l’on a retrouvé ensuite avec la création en 2019 de notre autre salon Mi-Livre Mi-Raisin, moitié vins naturels, moitié maisons d’éditions engagées, tout cela sélectionné de façon très drastique autour d’un esprit d’indépendance et d’engagement.

« Indépendance et engagement », voilà l’ADN de Nouriturfu ?

On avait tendance à trouver que l’édition gastronomique était assez plan-plan voire conservatrice. Et même s’il y avait quelques petites maisons d’éditions qui faisaient autre chose, à la marge, il semblait manquer quelque chose de plus important qui prendrait cet aspect sociétal très important dans la gastronomie et dans le vin et qui montrerait d’autres façons de réfléchir et de penser l’alimentation au sens le plus large possible. En tant qu’éditeur.ice.s, on ne s’interdit absolument rien tant que le sujet a un lien avec l’alimentation, qu’il y a un ton, et une forme d’engagement. On a fait un roman, ainsi que des romans graphiques (le prochain est en préparation), des essais, des récits.

Peut-on, de nos jours, aborder le sujet de l’alimentation sans une forme de militantisme ?

Beaucoup essayent de rester neutre, les livres de recettes restent la plus grande part de l’édition gastronomique. Chez nous, s’il y a des recettes, il y a forcément quelque chose d’autre qui va venir les appuyer et les étayer. Ce qui nous intéresse, c’est le sens. Ce que l’on met dans son assiette, ce que l’on achète pour se nourrir, comment sont rémunérées les productrices et producteurs. Tout ça est passionnant, autant politiquement qu’historiquement.

Comment défendre une démocratisation de ces réflexions ?

Faire un livre mobilise beaucoup d’intermédiaires et tous ces maillons doivent pouvoir en vivre. Malgré tout, on essaie de faire des livres pas trop chers. À chaque fois que l’on en fait un, c’est un coup de dés. C’est dans notre ADN de prendre des risques. On tient à faire tous ces livres. Pour l’instant, on a ce luxe de pouvoir éditer ce que l’on veut, en partie grâce aux salons qui sont une source de revenu fixe. Ça justifie pour nous d’avoir ces deux casquettes.

Toi-même, tu écris ou as écrit pour d’autres maisons d’éditions (L’Épure, Cambourakis), on pense aussi au Syndicat de défense du vin nature dont tu es cheville ouvrière. Y a-t-il une sorte d’internationale du bien manger et boire ?

Dans le vin, il y a cette internationale de vigneron.ne.s qui défendent partout dans le monde cette même façon de bien faire et par extension le bien manger. Iels sont une alternative au modèle traditionnel du monde agricole ; c’est Jonathan Nossiter qui a remarqué le premier cette forme d’avant-garde agricole. Même si oui, il y a un revers de la médaille à travers une tentative de récupération par l’industrie agro-alimentaire. Malgré ça, ça reste une locomotive qui tire le monde viticole et agricole vers le haut, en travaillant en bio, en utilisant le moins d’additifs et de produits de synthèse, pour faire les produits les plus sains possibles – même si, ne l’oublions pas, ça reste de l’alcool.

Nouriturfu, un lien entre ville et campagne ?

Avec Sous les pavés, la vigne, on a affirmé notre désir d’un salon qui se veut urbain et qui veut faire « monter » en ville de formidables vigneron.ne.s pour faire goûter leurs vins au milieu de débats, projections, livres. On a à l’esprit de décloisonner le milieu agricole, de faire se rencontrer ce petit monde-là. Et avec Mi-Livre Mi-Raisin, on a réaffirmé ça avec la rencontre entre le milieu culturel et le milieu agricole qui se retrouve sur la dimension de création de produits complexes, qui demandent du travail et dont la vente ne se fait pas sans réflexion. Ce que j’attends maintenant, c’est de voir des maisons d’éditions qui vont faire leurs propres cuvées avec des vigneron.ne.s rencontré.e.s sur le salon.

Le mois dernier, un souvenir gustatif marquant ?

On vient d’avoir un petit bébé et les plats d’hôpitaux qui sont servis aux femmes venant d’accoucher sont vraiment catastrophiques. Après une telle dépense d’énergie, il y a tellement peu de comfort food. La faute à l'État, bien sûr, pas aux personnels hospitaliers.

Une odeur ?

J’ai un faible pour l’odeur du basilic. Très vite je suis écœuré quand je m’en approche trop mais j’y reviens quand même - probablement lié aux pâtes au pesto.

Un son ?

La bouteille de vin que l’on ouvre de façon cavalière en faisant popper le bouchon.

Une image ?

Les inondations du côté de Valence, qui montre bien la catastrophe climatique que nous sommes déjà en train de vivre.

Un toucher ?

La peau d’un bébé, il n’y a pas grand-chose de plus doux au monde.

Une bouteille ?

Le gamay de chez Renardat-Fache, dans le Bugey, un vin assez original, issu d’un terroir frais et qui possède une belle complexité.

Un restaurant ? 

L'Empire Céleste à Paris ; paye pas de mine, grande histoire, grosse carte des vins.

Un commerce de quartier ?

Le Zingam à Paris, mine de jolis produits artisanaux.

Un.e vigneron.ne ?

Lan Bertrand (domaine Minhae, Beaujolais), néo-vigneronne attachante aux vins non moins attachants.

Un lieu qui t’inspire ?

La rare cave-librairie Rerenga Wines à Paris ; Nathaniel, le proprio, est un jeune type formidable, engagé, inspirant.

Quelles sont vos actualités ?

Nos deux salons : Sous les pavés, la vigne à Lyon les 16 et 17 novembre et Mi-Livre Mi-Raisin à Paris les 7 et 8 décembre.

Merci Augustin !

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